Huit ans après mon reportage sur le pasteur Gay Roberto González –et quelques mois avant mon déménagement de Buenos Aires à Madrid- j’ai eu la chance inouïe d’être convié au mariage de ce même pasteur avec son compagnon de toujours, Norberto.

Je suis donc allé retrouver, en mars 2016, le pasteur pour son mariage civil célébré dans le quartier de Flores à Buenos Aires- le même quartier dont est originaire le Pape François-. C’est quand je l’ai vu assis avec sa canne et avec plusieurs kilos en trop que je me suis rendu compte que huit longues années avaient passées et qu’il avait bien changé. Je l’ai chaleureusement salué ainsi que Norberto, debout, sourire aux lèvres et toujours pimpant, qui à part quelques mèches blanches, lui, n’avait guère vieilli physiquement.

Après leur avoir raconté quelques détails de ma vie, j’ai remarqué qu’il manquait Gabriel un de leur meilleur ami. Pendant mon reportage sur la vie du pasteur Roberto j’ai fait la connaissance de cet assistant social qui parcourait les rues de Buenos Aires la nuit pour distribuer des préservatifs et faire de la prévention contre le VIH auprès des taxi boys et des travestis. En général quand j’arrivais au domicile du Pasteur Roberto, Gabriel était toujours présent. Je l’avais longuement interviewé sur ce que représentait pour lui la foi en Dieu et l’homosexualité. Était-elle compatible ? Au début je l’avoue, j’avais du mal à le comprendre. Comment des personnes à ce point haïes de l’Église catholique, décriées, insultées et dans certains pays emprisonnées et même assassinées pouvaient avoir foi en Dieu.

Cette problématique a été pour moi la pierre angulaire de ce reportage et de cette relation photo-journalistique avec le pasteur Roberto. Pendant ma première interview avec Gabriel dans un bar gay à l’angle de l’avenue Santa Fe y Pueyrredón en plein cœur de Buenos Aires, il m’avait raconté qu’il avait découvert très tôt son orientation sexuelle. Il m’avait confié que son père offusqué par la nouvelle d’avoir un fils gay avait essayé tant bien que mal de le convaincre du contraire. Des méthodes psychologiques que certaines ONG catholiques tentent d’appliquer sur des « patients homo » pour les convertir à l’hétérosexualité. En général, les résultats de ces méthodes de thérapie de conversion sont désastreux et au lieu de « changer » elles poussent au suicide les personnes qui les suivent.

Le futur vice président des États-Unis Mike Pence fervent opposant des droits de la communauté LGTB soutient ces centres de thérapie de conversion et désire les développer fortement aux États-Unis. Une véritable régression dans ce pays où sont nées les prémices des droits gays après les fameuses émeutes de Stonewall (1969).

Dans la salle de mariage, l’adjointe au maire vient juste de terminer son ennuyeux discours. Norberto s’approche du pasteur Roberto et l’embrasse sous les applaudissements de leurs amis. Ceux qui ont milité toute leur vie pendant la dictature militaire ,et au-delà, pour des droits comme le mariage pour tous viennent enfin de s’unir sous les liens sacrés du mariage ! Bien que je savourais ce moment je ressentais l’envie de leur demander mais : « Où est Gabriel ? Pourquoi n’est-il pas avec vous lors de votre mariage ? » mais je sentais que quelque chose s’était passé et je ne voulais pas briser ce moment de pur bonheur dans l’attente d’une réponse ,qu’en fin de compte, je savais déjà.

Quelques semaines plus tard, le pasteur et Norberto m’ont invité chez eux. Ils désiraient prendre le temps de parler avec moi et de connaître ma femme. Alors que l’on venait à peine de commencer à dîner le pasteur me dit : « j’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer Gabriel est mort ! » Je lui ai simplement répondu que je l’avais senti et que je n’avais pas osé leur demander pendant leur mariage. Gabriel avait pourtant semblé avoir surmonté ses années d’errance à 16 ans dans les rues de Buenos Aires où drogues, automutilations et relations marginales destructrices étaient son quotidien. Gabriel est mort et pourtant je le retrouve encore dans quelques unes de mes photos d’un reportage qui au début était un hommage à la vie de militant du Pasteur Roberto González ; et qui aujourd’hui est aussi un hommage à  Gabriel le militant gay qui aime Dieu.

 Le pasteur Roberto González avec Norberto et Gabriel sur le point d’aller distribuer des préservatifs dans des bars gays.

Depuis le mois d’août je vis à Madrid dans une ville qui sera en juin/juillet 2017 la capitale de la World Pride dans le monde (Gay Pride). Pendant ces semaines de militantisme, de festivité et d’activités culturelles de la communauté LGTB je réaliserai une conférence et une exposition photographique sur mon reportage photo du pasteur Gay Roberto González.

Je vous donnerai des nouvelles de cette conférence et de l’exposition photo dans un nouveau post.

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